Interview réalisée par ATTAC 45 le 14 mai 2006 à Orléans, dans le cadre du procès en appel des faucheurs volontaires d’OGM.


Née en Inde en 1952, physicienne, écrivain, docteur en philosophie des sciences et éco-féministe, Vandana Shiva est lauréate du prix Nobel alternatif 1993. Elle lutte contre le brevetage du vivant et la bio-piraterie, c’est-à-dire l’appropriation par les firmes agrochimiques des ressources universelles, notamment les semences. En 1987, elle crée Navdanya, une ONG indienne qui défend et lutte pour la biodiversité et l’autosuffisance des paysans par l’agriculture traditionnelle.

Vandana Shiva, pourquoi soutenez-vous les faucheurs volontaires ?

Je suis venue soutenir les faucheurs parce qu’ils font exactement ce que nous faisons chez nous, d’une manière différente. Nous essayons, nous aussi, de soustraire notre agriculture à la domination des multinationales, à la contamination par les organismes génétiquement modifiés, aux monopoles que l’ingénierie génétique impose. En fait, j’entreprends actuellement un pèlerinage à travers les régions dans lesquelles les OGM ont poussé les paysans au suicide à cause de coûts très élevés, d’importants taux d’échec et de dettes énormes. Et j’estime que mon passage ici est simplement une étape parmi d’autres de ce pèlerinage.

Quel est l’objectif de l’association Navdanya ?

J’ai lancé Navdanya en 1987 quand j’ai compris ce que les multinationales attendaient du GATT, puis, lors de l’Uruguay Round, de la création de l’OMC. Elles exigeaient le droit de breveter les semences et de vendre des OGM sans entrave. Naturellement, pour cela, elles avaient besoin d’accords de libre-échange. Rapidement, j’ai pu voir que ce qu’elles souhaitaient, c’était un contrôle absolu sur la Vie elle-même. Et ce totalitarisme était inacceptable à mes yeux.
Donc, je suis rentrée chez moi, et j’ai commencé à sauver des graines. Le mouvement qui est né de cela, Navdanya, signifie “ neuf graines â€?[2]. Nous avons créé environ trente banques de semences coopératives, grâce auxquelles nous disposons de ressources communes, que les paysans peuvent utiliser selon leurs besoins. Ce sont ces ressources que nous distribuons au cours de ce “g pèlerinage des semences “h que je suis en train d’accomplir ; et ce sont les mêmes qui ont fourni des variétés de riz résistantes aux vers afin que les paysans touchés par le tsunami puissent avoir de quoi se nourrir. Nous avons sauvé probablement 7 ou 8 000 variétés de riz ; nous en cultivons 380 sur la ferme de Dehra Dun, qui est gérée par Navdanya.

Nous sommes plus de 200 000 paysans à travailler ensemble. Et c’est vraiment très satisfaisant qu’un tel mouvement, né d’une résistance à une domination,soit devenu une très belle et florissante alternative! Commencer en sauvant des graines, poursuivre par l’agriculture biologique, afin que les paysans n’aient pas à acheter de coûteux engrais et produits chimiques… Une fois que les paysans sont devenus des paysans bio, ils ressentent le besoin d’avoir leur propre marché. Les paysans bio sont les seuls à ne pas souffrir du déclin des prix. Parce que, partout où les multinationales contrôlent l’agriculture, les deux choses qu’elles font sont augmenter les coûts de production, dans le but de créer de nouveaux marchés de semences et de produits chimiques ; et diminuer les prix des produits agricoles, afin d’accroître leur profit. Les paysans sont pris au piège. Mais, partout où Navdanya travaille, il n’y a pas de dette, ni de suicide. Les revenus sont multipliés par 3, parfois 5. La productivité a augmenté. Et nous avons été en mesure de montrer que le savoir-faire des paysans peut être à la base d’une augmentation de la quantité de nourriture produite.

[…]

Le texte de l’interview : La lettre d’Attac 45 n°37-38 (été 2006)

La vidéo de l’interview :


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