Alternatives et expériences locales, pratiques agricoles, polyculture-élevage.

intervenants : Gérard Leras – Alain Hebrard

animatrice : Sophie Chapelle

Compte-rendu de l’atelier 9

Gérard Leras : Paysan retraité, président du groupe des Verts au Conseil Régional Rhône Alpes

Alain Hebrard : Paysan éleveur

Sophie Chapelle : Amis de la Terre, Semons la biodiversité Ile de France

Introduction :

Les productions animales n’ont cessé d’augmenter en Europe depuis une cinquantaine d’années. L’intensification de l’agriculture et de l’élevage n’a fait qu’amplifier notre dépendance protéique vis à vis des pays producteurs de soja. La majorité de l’alimentation animale repose aujourd’hui sur le système maïs/soja, et la présence dominante des OGM dans ces cultures provoque une vraie remise en question. De nombreux agriculteurs se sont engagés dans de nouvelles méthodes de productions et, dans ce cadre, ne trouvent aucun intérêt aux OGM. C’est le cas de certains producteurs de maïs qui pratiquent les rotations de cultures pour lutter contre les insectes prédateurs : ils n’ont pas besoin des semences de maïs OGM Bt. C’est le cas aussi des éleveurs qui, avec leurs propres productions végétales couvrent tous les besoins alimentaires de leurs troupeaux (qui, faut-il le rappeler, sont végétariens). D’autre part, contrairement à ce que les accords Blair House laissent penser (schéma selon lequel l’Europe produit les céréales et les Etats Unis produisent les protéines), il n’y a jamais eu interdiction de produire des protéines en France.

La Région Rhône-Alpes a décidé d’aider les éleveurs de vaches, de brebis et de chèvres à évoluer vers plus d’autonomie alimentaire. Depuis septembre 2006, Gérard Leras préside un groupe de travail constitué à la demande du président de région sur la façon dont le Conseil régional peut favoriser l’autonomie alimentaire des élevages. Ce travail a abouti et est entré en application. Avec lui, nous reviendrons sur les motivations – économiques, changement climatique, mais aussi résistance aux OGM – du conseil régional Rhône Alpes à mettre en place ce dispositif. Il nous expliquera les engagements pris par la collectivité dans le soutien à l’autonomie alimentaire des élevages ainsi que la méthode de travail utilisée.

Intervention de Gérard Leras :

Gérard Leras est conseiller régional des Verts, président du groupe des Verts à la région et éleveur laitier jusqu’en 2003.

Lors de son entrée en fonction, une délibération anti-OGM a été votée à la région Rhône Alpes. L’association Rés’Ogm info a été créée pour aider la région à mettre en place des indications concrètes.
63 % des exploitations agricoles en Rhône Alpes sont des exploitations d’élevage.

Pour les vaches, les brebis et les chèvres, le système dominant repose sur du maïs / soja. Or, c’est dans les entrées de maïs qu’il y a une première entrée d’OGM, puis avec les tourteaux de soja. Le soja apporte des protéines que le maïs n’a pas, mais il est importé à plus de 95 % des Etats Unis, de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay.

Le soja ne relève pas de la technologie Bt mais est résistant au RoundUp.

Être contre les OGM et ne pas s’attaquer au système d’élevage ne tient pas.

Entre la proclamation et le passage aux actes, trois années se sont écoulées. Un groupe de travail a été constitué en 2006 avec pour mission de bâtir un programme de soutien aux éleveurs en vue d’une autonomie alimentaire. Le groupe a commencé à travailler début 2007 et est constitué d’un conseiller régional et de représentants de la profession. Ce groupe a déterminé quelques axes de travail et effectué une vingtaine de visites d’éleveurs en herbivores (et pas en aviculture et en porcins car les réponses pratiques sont très différentes).
L’herbe est au centre de la ration mais on ne peut pas basculer dans un retour à l’herbe du jour au lendemain. D’autre part, la luzerne, le sainfoin, le trèfle, la féverolle… peuvent aussi aider à sortir du système maïs/soja.

L’effet du réchauffement climatique est manifeste en Rhône Alpes : la capacité de récolte en foin à partir de l’herbe est très réduite (une à deux coupes alors qu’avant c’était deux à trois).

Les visites d’élevages bovins, de brebis, avec des situations très différentes, ont amené à la conclusion que le principal enjeu est d’aider les éleveurs à entrer dans une réflexion en profondeur, à s’interroger sur l’état de la situation de l’exploitation, du type de valorisation à mettre en place, etc. Le groupe a donc décidé de faire un diagnostic mené et partagé par l’éleveur lui même. Ainsi, 22 diagnostics « cobaye » ont été menés en 2008 chez des éleveurs volontaires. Ce diagnostic débouche sur des préconisations pendant trois ans payés entièrement par la région.

Ce travail d’analyse fine a abouti fin 2007 à la rédaction d’un rapport d’une commission permanente. Le diagnostic lui même est un acte politique et technique, et il se traduit par des aides concrètes pour tout ce qui touche à la gestion des prairies : clôtures, modifications d’assolement, matériel : aide à l’achat d’unités mobiles, aide à la création de séchage en granges, aide aux CUMA sur tout ce qui touche à la régénération des prairies… une batterie d’aides est possible.

En janvier 2009, un examen critique des premiers diagnostics et des premières aides apportées a été mené. Un travail a été mené sur la question des valorisations (beaucoup d’AOC existent en effet dans la région).

Un travail se poursuit sur la façon dont on peut inciter les entreprises en aval à mieux rémunérer les produits lorsqu’il y a un effort pour les produire en autonomie alimentaire (surtout lorsque l’on sait que le prix de l’aliment bétail a augmenté de 70 % alors même que le revenu des éleveurs diminuait).

Cette démarche a été menée avec un triple objectif : soutien économique, réponse au changement climatique, lutte contre les OGM.
Le groupe travaille aussi avec la plus grande coopérative de la région, la Dauphinoise, en vue de passer des accords sur la fourniture de semences soja pour redévelopper les cultures de pays : l’idée est de faire un programme intégré de développement agricole pour recréer une filière soja (laminée par les accords de Blair House).

Ils travaillent aussi sur la mise en place de contrats d’approvisionnement avec le Parana (Etat du sud du Brésil) afin de s’approvisionner en soja garanti non OGM. Il faut pour cela une organisation sérieuse et un niveau de rémunération là bas suffisamment élevé pour ne pas basculer dans une culture de soja Roundup.

Le fond de la question est bien l’autonomie alimentaire des élevages : il est impossible de sortir du système maïs / soja du jour au lendemain : il faut avoir des réponses à plus court terme.
Alain Hebrard est un éleveur qui a fait le choix de faire seulement de l’herbe.
Attention, autonomie ne veut pas dire autarcie mais faire les circuits les plus courts possibles.

Pistes :

  • Aller vers un régime moins carné
  • Développer les projets inter-régionaux (exemple de la Confédération paysanne Langeudoc Roussillon qui mène une étude sur les filières, les coopératives, l’alimentation, la valorisation, la sécheresse, etc. 40 visites d’éleveurs ont été effectuées sans compter un travail de recherche bibliograhique.

    La confédération paysanne Languedoc Roussillon manque de moyens et toutes les personnes qui souhaitent les rejoindre pour les soutenir et creuser des pistes sont les bienvenues. Une journée de restitution est prévue le 25 juin. Plus d’infos : http://www.conflr.org/

    Le Conseil régional Languedoc Roussillon propose de travailler sur des projets interrégionaux pour travailler sur ces questions en commun.
  • Les témoignages de paysans bio et en agriculture paysanne montrent que les rotations, les mélanges graminées – légumineuses (plus d’infos auprès de l’association Trèfles et de l’association des vétérinaires et éleveurs du Millabois), mais aussi la valorisation des systèmes de polyculture élevage alliés à des ressources locales (races rustiques, semences paysannes) permettent de sortir du système maïs/soja. Le système auquel on aboutit se révèle beaucoup plus complexe.
  • Il est nécessaire de développer les programmes de recherche participative aussi appelés PICRI (exemple de l’INRA Versailles qui a travaillé avec le Réseau Semences Paysannes et la région Ile de France sur la sélection de blés populations afin de produire du pain bio). A noter qu’un cadre de convention existe entre l’INRA et la Confédération paysanne sur l’autonomie protéique mais qu’il n’a pas encore été réalisé. La recherche sur les savoirs d’antan semble aussi un élément déterminant.
  • Travailler sur la pression exercée sur le foncier

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