avec

Jean François Berthellot, paysan boulanger sélectionneur, CETAB*, RSP**

Michel Metz, Collectif Anti-OGM31, Attac Toulouse.

OGM et privatisation du vivant.

Ne pas baisser la garde sur les OGM de 1ère génération. _ Beaucoup de gens s’imaginent qu’avec les moratoires sur le maïs MON810, c’en est fini avec les OGM ! Pourtant plusieurs sources européennes annoncent que le Président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, veut relancer le processus d’autorisation de la culture de ce maïs. D’autre part, il ne faut pas oublier les importations de maïs et de soja OGM qui chaque année arrivent dans nos ports par dizaines de millions de tonnes.

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Et puis il y a les autres, les “OGM cachés”.
En fait c’est la réglementation européenne elle-même qui dans la directive 2001/18 “relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement”, précise que les OGM obtenus par “mutagénèse” ou “fusion cellulaire”, ne font pas partie de son champ d’application. Ils peuvent être ainsi diffusés sans la moindre obligation d’affichage ni de demande d’autorisation, ce qui de fait les transforme en OGM cachés. Cela n’est pas le fait du hasard mais le résultat d’un intense lobbying des semenciers qui, après s’être faits surprendre par la forte résistance à l’introduction des OGM en Europe, ont été très actifs pour “aider” le législateur dans la rédaction de cette directive.

Les stratégies des firmes semencières.

Et ce lobbying se poursuit en ce moment même au sein d’un groupe de travail européen pour déterminer, pour une dizaine de nouvelles techniques de génie génétique, lesquelles feront ou non partie de la réglementation européenne ! Ces grandes manoeuvres s’inscrivent en fait dans une stratégie globale de privatisation des semences, avec la confiscation juridique par les brevets ou les certificats d’obtention végétale et la confiscation biologique par la mise sur le marché d’hybrides non reproductibles.

C’est ainsi qu’une poignée de firmes (Monsanto, Syngenta, Pioneer, Limagrain, Bayer, BASF…) tentent de maîtriser la production et la distribution des principales ressources génétiques de la planète pour l’alimentation.

Qu’elles cherchent à détenir un pouvoir aussi exorbitant est inacceptable et terrifiant.

Mais à travers cette appropriation du vivant, c’est aussi la biodiversité cultivée qui est gravement menacée car il n’y a aucune commune mesure entre la diversité produite spontanément par des millions de paysan-ne-s et celle produite industriellement par quelques firmes.

Les semences paysannes comme alternative

La biodiversité cultivée disparaît des champs.

L’industrialisation de l’agriculture et la spécialisation de la sélection variétale a conduit dès le début du 20ème siècle, et de manière accélérée après la 2nde guerre mondiale, à une érosion de la biodiversité cultivée dans les champs : le nombre des espèces cultivées chute drastiquement et les variétés populations (de base génétique large), sont peu à peu remplacées par des variétés fixées, stables et homogènes. L’adaptation locale, l’élargissement et le renouvellement de la biodiversité dans chaque champ par la pratique traditionnelle consistant à ressemer (et échanger) une partie du grain récolté, est peu à peu abandonnée par les paysan(ne)s. La FAO estime que «depuis le début du siècle, 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdu.

Pour enrayer cette perte de diversité génétique, des systèmes de conservation se mettent alors en place en France dans les années 60, soit dans des banques de graines gérées par l’INRA2 (conservation ex-situ), soit dans des jardins sous l’impulsion du secteur associatif et des jardiniers amateurs (conservation in-situ).

La reconquête de l’autonomie.

A la fin des années 90, l’émergence des OGM fait prendre conscience à certains agriculteurs de leur perte d’autonomie vis à vis des semences et du risque de ne plus pouvoir choisir et avoir accès à des variétés adaptées à leurs pratiques (agriculture biologique ou à faibles intrants, transformation artisanale ou fermière, filière de proximité).
Des agriculteurs, souvent isolés, recherchent alors des variétés historiquement cultivées dans leur région, pour les recultiver et les adapter sans intrants chimiques à leur terroir et aux conditions actuelles. Ils trouvent ces variétés parfois chez les « anciens » et souvent dans les banques de graines gérées par l’INRA. Petit à petit des groupes se structurent, des liens se créent parfois avec des chercheurs de l’INRA (généticiens, sélectionneurs) pour mettre en oeuvre des actions de sélection participative à partir de variétés populations.

Fondamentalement basée sur la diversité des acteurs et des terroirs, sur la mutualisation et les échanges, cette approche est évidemment en totale opposition avec la stratégie des firmes consistant à développer et diffuser en très grande quantité quelques variétés “élites” protégées par la propriété intellectuelle. Cette approche hautement diversifiée se formalise en 2003 avec la création du Réseau des Semences Paysannes (RSP). Ce réseau développe et entretient des partenariats sur le plan national mais aussi sur le plan international et il est notamment l’un des acteurs du réseau européen de semences “Libérons la Diversité!” Il oeuvre activement à la reconnaissance scientifique et juridique de la gestion dynamique et de la sélection participative.

Alors que la conservation ex-situ est une activité cloisonnée, séparée de la sélection (par les sélectionneurs), elle même distincte de l’utilisation (par les agriculteurs) des semences et plants, la gestion dynamique de la biodiversité cultivée réunit dans un processus continu associé à la production agricole, les actions de conservation, de sélection et de multiplication des semences.

Vers une maison régionale de la semence paysanne.

C’est dans ce cadre de fonctionnement en réseau que des structures opérationnelles locales apparaissent comme le CETAB ou Bio-Aquitaine. _ En midi-Pyrénées, c’est un Réseau d’échanges et de mutualisation à dimension régionale, pour des structures et expérimentation locales sur la diversité cultivée qui est en train de voir le jour. Il associe agriculteurs, jardiniers, jardins botaniques, club de jardinage d’écoles, etc…Il doit déboucher à terme sur une Maison de la Semence Paysanne, que le Conseil Régional s’était publiquement engagée à soutenir lors des Etats Généraux OGM et Biodiversité d’avril 2009 à Toulouse.

A noter que dans son interpellation aux candidats aux élections régionales, le collectif anti-OGM31, demande précisément s’ils comptent soutenir et même promouvoir une telle structure.

Vous pouvez vous même participer à ce projet en tant que jardinier(e), notamment en rejoignant les Semeurs et semeuses de la biodiversité des jardins et des champs :

contact@semeursmip.org

* Centre Terre d’Accueil des Blés

** Réseau Semences Paysannes


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