Documentaire de Sophie BRUNEAU et Marc Antoine ROUDIL-France/Belgique 2005 1h20mn – Suivi d’un débat sur la souffrance au travail avec Florence Palpacuer, membre du Conseil Scientifique d’ATTAC et Patrick Ramonatxo, médecin psychiatre, membre d’ATTAC (achetez vos places dès le 28 septembre à Utopia Toulouse)
« Nous serions donc aujourd’hui, si l’on en croit la rumeur, dans une conjoncture sociale et économique présentant de nombreux points communs avec une situation de guerre. À la différence près qu’il ne s’agit pas d’un conflit armé entre nations, mais d’une guerre “économique”. Comparable en gravité à celui de la guerre, son enjeu serait la “survie” de la nation et la sauvegarde de la “liberté”. Rien de moins ! » écrit Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste dont le livre Souffrance en France a été le point de départ du film.
Le travail est-il plus dur qu’il ne l’était il y a 30, 50, 70 ans ? Qu’est-ce qui a changé ? Les gens tombent de plus en plus souvent malades, se plaignent de mal-être, se gavent de substances diverses en espérant se sentir mieux…
Les entreprises sont sous pression, fragilisées par l’évolution du marché mondial. Au fil des phénomènes de « fusion / absorption », des changements d’organisation du travail, se répand sur les salariés une peur diffuse et croissante qui contamine les positions éthiques, mine la solidarité.
_Peut-être n’y a-t-il pas plus de souffrance aujourd’hui qu’avant, suggère Dejours, mais les gens sont peut-être plus seuls donc plus fragiles, peinent à se projeter dans un avenir qui apparaît sans perspective motivante donnant sens et cohérence au « travail », tandis que le contexte se détériore de plus en plus vite et que monte le sentiment d’insécurité : que va-t-il se passer si l’on se retrouve « dehors » ? Où aller, que faire, comment savoir si on a encore une « valeur » sur un marché du travail dont les règles ne cessent de bouger, dont on ne perçoit plus la finalité ?
C’est depuis le milieu des années 90 qu’ont été mises en place des « consultations spécialisées ». On assiste dans le film à quelques unes de ces consultations : des professionnels (psychologue, médecin) en blouse blanche reçoivent les plaignants, écoutent, essaient de tendre la main qui permet de ne pas sombrer tout à fait. On suit les entretiens, on écoute, plein cadre, sans que rien ne vienne nous distraire de cette écoute. Ils disent leur difficulté à suivre le mouvement. En fait, ils ont du mal à dire : nous sommes dans l’indicible. Faute d’avoir les moyens et la distance d’une analyse, faute d’avoir une « conscience politique » (au sens large du mot), qui permettraient t à chacun de relier son cas particulier à une évolution globale, on les voit rongés de l’intérieur par une souffrance difficile à soulager.
Le travail à la chaîne prend un coup d’accélérateur, la barre des « objectifs » à atteindre est toujours placée plus haut, les standards du travail ne cessent de rétrécir… Elle vendait du gas-oil, elle a été embauchée comme femme de ménage dans une « maison de retraite » et se retrouve à exercer le rôle d’aide-soignante, faute de personnel qualifié en nombre suffisant, sans l’avoir souhaité, sans être sûre « d’être à la hauteur »… Et cette phrase qui revient : « je ne pensais pas que ça m’arrive »… et chacun, faute d’avoir cherché à comprendre et réagi tant que cela n’atteignait que les autres, s’étonne que la vague l’atteigne un jour…